Une personne souffrant de troubles mentaux peut être « nourrie, logée, blanchie » et accompagnée quotidiennement au domicile d’un accueillant familial agréé, salarié d’un établissement de santé mentale.
Bases juridiques :
- Code de l’Action Sociale et des familles, articles L443-10, L443-4, D442-2,
- Arrêté du 01/10/90
- Note d’orientation du 27/12/91.
Il s’agit d’une alternative originale ou d’une suite à l’hospitalisation. L’accueil s’adresse à des patients adultes ou enfants susceptibles de retirer un bénéfice d’une prise en charge dans un milieu familial. Le maintien ou le retour à domicile ne paraît pas toujours souhaitable ou possible. Il s’agit notamment d’une phase de réadaptation et d’acquisition d’une certaine autonomie au cours de laquelle la prise en charge sociale et affective prend une dimension importante.
L’accueil familial thérapeutique est une modalité particulière d’hospitalisation à temps complet. Les services d’accueil familial thérapeutique organisent le traitement des personnes de tous âges, souffrant de troubles mentaux susceptibles de retirer un bénéfice d’une prise en charge thérapeutique dans un milieu familial substitutif stable, en vue notamment d’une restauration de leurs capacités relationnelles et d’autonomie.
Le recours à ce type d’accueil doit nécessairement passer par un centre hospitalier. Il est envisageable
- en amont d’une hospitalisation, pour éviter la dégradation prévisible de l’état de santé d’un patient
- en cours d’hospitalisation, des accueils ponctuels ou séquentiels (d’un à plusieurs jours par semaine) permettant de vérifier la pertinence d’un projet de déshospitalisation
- en aval d’une hospitalisation, pour une prise en charge de long terme, lorsque le retour du patient à son propre domicile n’est pas souhaitable (en prévention de rechutes favorisées par un environnement matériel et social « nocif ») ou envisageable (cas des personnes sans domicile).
Indications
Les personnes suivies en AFT présentent en commun une incapacité (momentanée ou durable), liée à leurs troubles psychiques, à gérer seuls leur vie quotidienne. Le patient doit avoir une capacité d’échange et de communication, il doit pouvoir tolérer la création et l’existence de relations entre individus.
L’indication d’un placement se détermine en fonction de la politique de soin de l’équipe, pour un patient donné, à un temps précis de son évolution personnelle, en examinant avec lui si d’autres orientations thérapeutiques seraient plus adaptées. C’est donc à l’équipe d’encadrement d’évaluer la situation et les enjeux, de ne pas induire de danger potentiel et de savoir entendre, au fil de temps, comment l’accueil évolue.
Contre-indications
Pathologies paranoïaques, aux fonctionnements pervers, états d’instabilité et de non-compliance aux soins qui risqueraient de compromettre la sécurité ou la stabilité de la famille accueillante – exemple : pédophilie, nymphomanie (lorsque des membres du foyer ou leurs proches risqueraient d’en subir les conséquences)…
Les malades hospitalisés sans leur consentement, d’office ou sur demande d’un tiers, ne peuvent faire l’objet d’un accueil familial thérapeutique (arrêté du 1er octobre 1990, art.3).
L’AFT n’est pas une fin en soi : comme tous les autres processus de soins psychiatriques, il n’a de sens que dans le cadre d’un projet de soin qui se réactualise sans cesse en fonction des besoins, attentes et évolutions du patient et de la famille d’accueil.
Accueil familial social ou thérapeutique, quelles différences ?
Accueil familial social | Accueil Familial Thérapeutique | |
Définition | Une formule d’hébergement souple pour l’accueil de personnes âgées ou handicapées | Les services d’AFT s’organisent pour le traitement de personnes souffrant de troubles mentaux, susceptibles de retirer un bénéfice d’une prise en charge thérapeutique dans un milieu familial substitutif stable… |
Statut de l’accueillant | Salarié de la personne accueillie | Salarié (agent non titulaire) de l’établissement ou service de soins). Droit au chômage. |
Agrément délivré par | Le Président du Conseil Général (instruction par les services départementaux) | – L’accueillant est agréé par le Président du Conseil Général et/ou par le directeur de l’établissement – L’établissement est habilité par le Préfet et la DDASS |
Nombre de pensionnaires | 1 à 3 personnes âgées et/ou handicapées adultes | 1 à 3 malades mentaux. |
Contrats | Contrat type précisant les conditions matérielles et financières de l’accueil | Contrat de travail + Contrat d’accueil + Règlement intérieur |
Contrôle, suivi | – Formation et contrôle des accueillants agréés par le Conseil Général – Suivi des personnes accueillies par des professionnels du secteur social ou médico-social | Assurés par le service d’AFT de l’établissement : – formation et accompagnement des accueillants – suivi des personnes accueillies |
Financement | Par les personnes accueillies (qui peuvent avoir droit à des aides financières) | Sécurité Sociale, Assurance Maladie |
Développement | Décisions politiques et économiques (selon les départements) | Choix thérapeutiques |
Comment trouver un accueil familial thérapeutique ?
Ce mode de prise en charge est réservé aux patients pris en charge par un centre hospitalier psychiatrique doté d’un service d’accueil familial thérapeutique – voir notre Répertoire des services d’Accueil Familial Thérapeutique.
Vous pouvez également obtenir des informations auprès des équipes chargées de votre suivi (équipe médicale et paramédicale de l’hôpital ou du CMP).
En psychiatrie, les attentes à l’égard de l’accueil familial thérapeutique (anciennement nommé « placement familial d’adultes ») sont variées. Elles vont du fait d’offrir une alternative à l’hospitalisation chez des sujets chronicisés qui, en dehors de cette solution resteraient des hospitalisés à vie jusqu’à la recherche d’une restructuration de la personnalité grâce à un réapprentissage relationnel. L’AFT fait donc partie des moyens que se donnent certains secteurs de psychiatrie adulte pour assurer un travail de prise en charge et de continuité des soins, rompant avec l’enfermement hospitalier.
L’intérêt de l’accueil familial thérapeutique est de proposer au patient un soin dans un espace social démédicalisé. Grâce à ses capacités naturelles, affectives et éducatives, la famille d’accueil fournit un climat propice à l’épanouissement humain du patient et favorise une évolution thérapeutique positive. L’accueil familial est dit thérapeutique dans la mesure où il intègre l’hébergement et la continuité des soins. Il s’organise sous la responsabilité d’un centre hospitalier et permet la poursuite du traitement.
Une équipe pluridisciplinaire (psychiatre, infirmières, éducateur, assistante sociale, psychologue) travaille conjointement avec les soignants référents du patient qui ont fait la demande d’accueil. Elle fait également le lien entre la famille d’accueil et la personne accueillie. Le service d’Accueil Familial Thérapeutique est l’interlocuteur privilégié de la famille d’accueil pendant la durée du séjour.
Pour plus de précisions, voir notre documentation en ligne, rubrique « Psychiatrie et accueils thérapeutiques ».
L’accueil familial peut également être une excellente solution pour :
- des patients « allergiques » à un placement en établissement spécialisé, isolés ou dont l’entourage manque de disponibilité,
- des adultes handicapés ayant toujours vécu avec leurs parents, sans aucune prise en charge institutionnelle (situation courante en secteurs ruraux)
- des convalescents préférant une ambiance familiale à celle d’une maison de repos…
Avantages : prise en charge domestique, déplacements assurés par la famille d’accueil, « présence responsable » sans privation de libertés de la personne accueillie, soutien psychologique et stimulation par la participation aux activités familiales…
« Le patient abandonne des gestes de « survie » liés au milieu hospitalier : comportement agressif ou régressif, ritualisation du quotidien, tabagisme, mendicité affective. Et il réinvestit son apparence corporelle et des gestes « essentiels » de la vie quotidienne : toilette, alimentation, habillement, loisirs…
- Au niveau de la (dé)socialisation et des conséquences inter-humaines du trouble psychiatrique, l’AFT permet la réinscription progressive du patient dans un circuit d’échanges dont la famille d’accueil représente la « tête de réseau ».
- Échange autour du quotidien avec les différents membres de la famille, de l’entourage, du voisinage, de la communauté !
- Participation à des activités sociales, culturelles, sportives, festives,
- Abandon d’un statut de malade (objet), pour celui d’invité, d’accueilli, peut-être « étrange » mais membre du réseau d’échanges et d’interactions. L’AFT peut alors, à l’instar d’autres pratiques comme par exemple la création, la formation, la réadaptation…, favoriser la réintégration du patient dans le tissu social.
- Enfin, l’AFT peut agir et être thérapeutique au niveau même du symptôme. » (voir Soins Psychiatrie N°225)
Les familles sont sélectionnées et employées par des hôpitaux. Les placements peuvent être intermittents (quelques jours par semaine), temporaires ou permanents, au domicile des accueillants ou en logement indépendant.
Au 1er janvier 2000, la DAS comptait 4.872 accueillants familiaux thérapeutiques.
Maladie mentale, prix de journée en Euros : (moyennes sur 10 établissements)
Modes de prise en charge | Coûts moyens/jour en 2012 |
---|---|
Hospitalisation (psychiatrie adulte) | 650 € (de 296 à 916 € !) |
Accueil familial thérapeutique | 200 € (de 79 à 279 € !) |
Foyer de vie | 140 € |
8h de garde à domicile | 98 à 160 € |
Foyer d’accueil et d’hébergement | 97 € |
Détention | 88 € |
Foyer de jour | 70 € |
Accueil familial social | 56 € |
Bien sûr, le choix entre ces différents modes de prise en charge doit être dicté par les besoins du patient et non par des considérations financières.
Mais la Sécurité Sociale économise en moyenne 450 € par jour lorsqu’un patient passe d’une hospitalisation « temps complet » à un accueil familial thérapeutique…
Cette solution pourrait concerner environ 10% des patients actuellement hospitalisés, libérant autant de places en établissement au bénéfice de personnes actuellement sans autre solution.
Pour mémoire :
En 2001, les troubles mentaux arrivent en seconde position des dépenses de la Sécurité Sociale, classées par pathologie (juste après les maladies cardio-vasculaires, 10,7%). Elle y consacre 9,4% de son budget, soit 13,9 milliards d’Euros par an…
« (…) le rattachement des secteurs aux hôpitaux généraux et le développement des services de psychiatrie dans ces établissements a constitué une avancée qu’il faut désormais amplifier, voire dépasser, en cohérence avec l’organisation par bassin de vie ou territoire pertinent.
Ce rapprochement passe par :
- le développement des alternatives à l’hospitalisation,
- le renforcement des visites à domicile,
- le développement de l’hospitalisation à domicile,
- et le recours accru à l’accueil familial thérapeutique.
(…) la santé mentale doit être précurseur d’une organisation nouvelle, avec une articulation entre les champs sanitaire, social et médico-social. »
Bernard Kouchner, Ministre délégué à la Santé, Journée mondiale de la santé – 05/04/2001
« 15% des patients qui séjournent à l’hôpital ne devraient pas y être. Gaspillage estimé : 2,8 milliards d’euros par an » (source : Capital n° 144, septembre 2003)
P.-S.
Voir également le Rapport sur l’offre de soins psychiatriques, publié en décembre 2011 par la Cour des comptes ; extraits :
- page 21 : Placement familial thérapeutique = 4,7 % des journées de prises en charge à
temps complet (hospitalisation et alternatives à temps complet), 2009 - page 43 : « le développement des alternatives à l’hospitalisation par
d’autres modes de prise en charge à temps complet a été très limité : le
nombre de places en placement familial thérapeutique a légèrement
augmenté entre 2000 et 2010 (+ 500 places pour un total proche de 3 800) » - page 33 : « Enfin, les hospitalisations inadéquates sont génératrices de coûts
supérieurs aux modes de prise en charge alternatifs. Le coût d’une
hospitalisation complète est de l’ordre de 450 € par jour, soit plusieurs
fois le coût complet, intervenants sociaux inclus, d’une prise en charge
ambulatoire ou à temps partiel (pour la partie médicale, la prise en charge
en hôpital de jour coûte environ 55 €, et les consultations en centres
médico-psychologiques sont peu coûteuses). Ainsi, le redéploiement des
moyens mobilisés par l’hospitalisation de patients réorientables vers les
structures extrahospitalières devrait permettre de dégager de nouvelles
ressources pour les prises en charge alternatives. »